L’addiction est fondamentalement une perte de contrôle quand la consommation d’un produit (alcool, tabac, drogues, sucre…) ou la pratique d’un comportement (jeu d’argent, écrans, sexe, etc.) s’impose à soi et devient un besoin impérieux alors même que cela commence à entraîner des conséquences négatives sur ses relations sociales ou sa santé.
Je n’ai qu’une seule addiction : le sucre. En période de grand stress, télétravail et confinement : ma consommation atteint des quantités monumentales. D’autant plus que le passage au supermarché est une bonne excuse pour sortir… Je pense au chocolat toute la journée. Quels sont vos conseils pour arrêter cette gloutonnerie ?
Oui le sucre est en soi fortement addictif car sa consommation est très plaisante. Comme vous l’observez sur vous-même, les problèmes commencent quand on consomme cette substance pour apaiser une tension, un stress car, quand ce stress devient chronique soit à cause de problèmes personnels soit à cause de circonstances (comme actuellement), on a tendance à consommer de plus en plus et de plus en plus souvent. C’est le piège des substances addictives : plus on en consomme, moins ça marche et donc plus on doit en consommer !
Mes conseils ? Repérer quels sont les moments, les circonstances ou les pensées qui vont déclencher chez vous ce besoin irrépressible et une fois identifiés ces déclencheurs, tenter d’y répondre différemment (distraction, discussion, expression d’émotions…) En tout cas, ne pas vous priver de sucre mais en consommer à des moments “autorisés”, réglés, lors de repas par exemple.
J’ai envie de fumer une cigarette le soir mais j’ai décidé d’arrêter complètement mais c’est super dur surtout en ce moment.
Bravo ! Beaucoup de personnes profitent effectivement de cette période pour en revenir à l’essentiel et se défaire de quelques comportements superflus, coûteux et nuisibles !
Globalement, on semble assister à 2 mouvements contradictoires. Certains, assez addicts, sous l’influence du stress ambiant lié au COVID et à celui du confinement ont tendance à essayer de l’apaiser en augmentant leur consommation d’alcool (souvent sans en être conscient), d’autres à l’inverse se disent comme avec le tabac que c’est un bon moment pour arrêter ou simplement pour réduire. Comme les dépendants ne sont qu’une minorité des consommateurs d’alcool, on peut penser (espérer ?) que l’effet global sera plutôt à la diminution. Mais les chiffres nous diront…
Un membre de ma famille est addict au cannabis avec un joint par jour ça va faire maintenant 2 ans que cette personne en consomme régulièrement, avez-vous des conseils à donner pour aider à la faire arrêter ou comment je pourrais l’aider. Je ne parviens pas à la raisonner même avec tout les arguments en défaveur de cette consommation.
La clef c’est évidemment de tenter de comprendre, sans le juger, pourquoi votre parent ne veut pas profiter des circonstances pour tenter de réduire ou d’arrêter, d’autant que le cannabis fumé étant agressif pour les poumons, c’est un facteur de risques en cas d’infection par le COVID. Ensuite, en fonction des arguments présentés, en discuter avec lui paisiblement. Parfois, les gens hésitent à essayer d’arrêter parce qu’ils ont peur de ne pas y arriver mais à son niveau de consommation, c’est parfaitement réalisable. Et si c’est juste du cannabis-plaisir, peut-être peut-il essayer d’espacer les prises, l’effet n’en sera que plus intense…
Je suis addict aux jeux-vidéos, donc j’ai fait un système, je cache ma console du lundi au vendredi pour ne plus y penser… Je ne m’autorise le jeu que le week-end. Mais du coup j’y pense encore plus, et le week-end j’y joue encore plus d’heures que si je la laisse sous la télé la semaine… Que me conseillez-vous ? Ma stratégie est-elle bonne ?
Oui, bonne stratégie, reprendre le contrôle sans s’interdire complètement ! Le tout est de pouvoir la tenir dans le temps et les effets de “rattrapage” du WE vont finir par s’émousser. Si vraiment c’est trop dur, offrez-vous 1 heure ou 2 de plus un jour déterminé dans la semaine et ça devrait faire baisser la pression.
Oui, ainsi que de la fréquentation des plateformes “porno” telles que YouPorn (+ 30 % en France) mais pour les jeux d’argent en ligne, la question des ressources financières va vite avoir un effet limitant.
Je dois admettre fumer régulièrement (quand j’en trouve, un petit joint le soir), et avoir, en période de dépression notamment, tendance à abuser du cannabis (4-5 joints ou plus par jours). Depuis le début du confinement, l’envie de fumer est très présente, pour parler en euphémisme. Quelles stratégies peut-on mettre en place pour faire passer ces pensées « obsessionnelles », pour cette fois-ci donner dans l’exagération (légère) ?
Vous avez raison, les pensées obsessionnelles de produit (cannabis en l’occurrence) en période de stress traduisent bien votre vulnérabilité à l’addiction, que confirme votre tendance à augmenter les prises en période de dépression. Donc vous devez faire encore plus attention que le commun des mortels au risque de répondre au stress par une consommation de produit, ça ne marche pas ! Plus on consomme, moins ça marche, on consomme plus encore, on s’accroche, ce qui est encore plus stressant et ainsi de suite…
Tenez-bon, mettez en place des stratégies alternatives (distraction, discussion, expression des émotions, gestion des conflits, des tensions, etc.) Si vous arrivez à tenir, cela va finir par s’apaiser tout seul.
J’ai un enfant de bientôt 21 mois, fils unique, que j’essaye d’occuper avec des activités variées. Hélas, j’ai déjà eu recours aux vidéos avec des comptines par le passé (notamment longs voyages en avion, pendant les temps de connexion…) et dès qu’il voit le téléphone portable ou la tablette, il en demande. Je vois avec frayeur à quel point c’est addictif – il se met dans des états pas possible lorsqu’on le lui refuse, et je vois qu’il en rêve la nuit… Pouvez-vous me donner des conseils pour le désintoxiquer ?
Oui, pas de panique ! Vous avez pu le vérifier les écrans ont un pouvoir de captation important pour les tout-petits mais vous vous en êtes rendu compte et ce “sevrage” là devrait être assez simple. Parlez-lui, consolez-le, câlinez-le, rassurez-le, c’est de cela qu’il a besoin. Les écrans ne sont qu’un ersatz relationnel, c’est vous le vrai remède.
Depuis le début du confinement, je constate que je ne serais pas contre me boire un petit verre tous les soirs. Dans les faits, je pense boire de l’alcool raisonnablement mais 2 fois plus qu’avant (2 apéros/semaine au lieu d’un). Quel est l’impact du confinement sur la consommation d’alcool ?
L’impact fréquent est celui que vous décrivez. Face à un mélange de stress lié au contexte général (crainte pour ses proches, ses amis, pour soi), lié au confinement, à la perte des rythmes et des activités qui nous structurent, face à l’ennui et au désœuvrement… On va être tentés de chercher apaisement et évasion mais attention à garder la mesure sinon cela va ajouter un nouveau problème à ceux qu’on chercher à soulager.
Grand-mère d’une jeune femme addicte à l’héroïne, je me demande si des services sont en place pour aider si l’état de manque devient très douloureux ?
Oui normalement tout est fait pour que votre petite fille puisse avoir accès aux traitements de substitution (buprénorphine ou méthadone) qui apaiseront. Les autorités (Ministère de la Santé, DGS, ANSM) ont d’ailleurs assoupli les conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments pendant la crise et d’ores et déjà jusqu’au 31/05.
Quand on se pose la question, c’est souvent qu’on commence à entrevoir la réponse. Je suppose qu’il s’agit de bières normales (25 ou 33 cl de bière à 4-6°), vous commencez à être limite par rapport aux repères de consommation mais ça ce n’est pas très grave. En revanche, vous observez que vous buvez un peu plus pour rechercher un effet psychotrope et ça c’est un risque parce que la répétition des consommations va diminuer cet effet et risque de conduire à une nouvelle augmentation des consommations et ainsi de suite avec un risque d’accrochage. Donc soyez vigilant à vous poser des limites raisonnables (les vôtres) de quantité et de fréquence, et à ne pas les dépasser.
Après 2 semaines de symptômes grippaux (ressemblant au COVID selon des médecins), je suis totalement guérit ou du moins en ai-je l’impression. Quels sont maintenant les risques d’une consommation régulière de cannabis (2-3 joints par jour) ?
Je suis heureux pour vous que vous alliez mieux. En revanche, j’imagine que vos poumons ont été un peu “secoués” par cette expérience et je pense qu’il vaut mieux ne pas trop les agresser de nouveau par des substances fumées dans la période qui vient. Et, qui sait, peut-être qu’à l’issue vous n’aurez plus envie de reprendre et en tout cas pas au même niveau. Votre expérience récente vient de vous rappeler que nous ne sommes pas éternels… Prenez-soin de vous !
Bonne question, les produits addictifs sont des produits perçus comme étant de (toute !) première nécessité par les personnes dépendantes mais pas par les autres. Donc autant, les Pouvoirs Publics peuvent accepter d’approvisionner en produits légaux (tabac, alcool, médicaments, jeu…), autant c’est impossible en l’état actuel des Lois pour le cannabis. Pour notre part, on ne peut que soutenir les personnes concernées en situation de sevrage cannabis y compris avec des médicaments symptomatiques (anxiolytiques, hypnotiques). En revanche, les cannabinoïdes médicamenteux (THC ou CBD) qui ont pu être essayés dans différents pays n’ont pas démontré à ce jour d’efficacité dans le traitement de la dépendance au cannabis.
Oui mais de manière très contrastée. Il peut amplifier le stress et donc pousser certains à consommer plus que d’habitude mais il peut aussi diminuer les capacités d’approvisionnement (en produits illégaux). Pour les produits légaux comme l’alcool, certains vont aussi se dire que dans les circonstances actuelles, ce n’est vraiment pas l’essentiel et donc réduire leurs achats de spiritueux. On verra à l’issue de la crise comment ces tendances contradictoires se sont organisées.
Je m’interroge sur mon (notre ?) addiction au café. N’est-ce pas une habitude tellement ancrée dans le monde du travail et donc que je ressente un besoin impérieux d’en boire pour garder ce lien symbolique ?
Votre hypothèse est sans nul doute la bonne (pour vous). Le café est en effet une addiction très liée à un contexte (travail, réunions, fins de repas…) et sans doute boire un café peut-il être un moyen d’entretenir ce lien.
Comme beaucoup d’entre nous je présume, je me bats pour ne pas me laisser aller avec les apéros au quotidien et les plats réconfortant… Mais c’est extrêmement difficile. Ce confinement met indéniablement à jour nos mécanismes d’équilibre émotionnel et les mènent à dur épreuve. Le Yoga, le sport, les nouvelles activités, ça va 5 minutes. Des conseils pour ne pas sombrer dans la bouffe et l’alcool ??
Oui le problème du yoga, du sport ou de la lecture, c’est que ça marche mais pas instantanément et en tout cas moins vite et de manière moins intense qu’un apéro ou un bon plat, c’est pour cela que ces derniers sont plus addictifs. Néanmoins, pour tenir bon, vous pouvez essayer de continuer à vous autoriser bons plats et apéros dans les volumes que vous aurez déterminés comme raisonnables mais sans les dépasser et selon des horaires déterminés. Sinon, dites-vous bien que le plaisir de l’apéro et des bons plats finira par se réduire, devenir un besoin sans agrément et que vous aurez perdu ce que vous y cherchiez.
Je me battais déjà avec une addiction à l’alcool. Le confinement, les devoirs à la maison, l’angoisse, un jeune adolescent très rude… ma consommation augmente, leurre pour essayer de faire face, je le sais… et la culpabilité qui augmente avec. C’est un témoignage, je sais que vous ne pouvez guère m’aider.
En effet vous aider à distance serait difficile sauf à vous dire que vous avez déjà fait l’essentiel du chemin en identifiant les éléments relationnels et de contexte qui vous poussent à boire et en étant conscient que l’alcool loin de vous aider à les résoudre va contribuer à les accroître encore. Donc persévérez en essayant de gérer le burn-out parental en période de confinement avec ados, prenez du temps pour vous, faites des pauses, lâchez un peu la pression sur votre ado, faites un conseil de famille le soir où chacun pourra dire ce qu’il éprouve, etc.
Tenez-bon, la voie est bonne !
Le confinement a-t-il provoqué une hausse de la consommation d'antidépresseurs et/ou anxiolytiques ?
Je ne sais pas, nous n’avons pas encore de statistiques. En tout cas, comme pour les TSO (traitements de substitution opiacés), nous avons pu obtenir que les anxiolytiques puissent être renouvelés par les pharmaciens même si le médecin prescripteur n’a pas pu faire d’ordonnance. On peut penser qu’il y aura une augmentation des prescriptions d’anxiolytiques et d’hypnotiques mais pas nécessairement d’antidépresseurs ni des régulateurs de l’humeur, médicaments qui correspondent à des indications bien précises moins sensibles à l’air du temps… Mais on verra dans l’après-coup, il y aura sans doute des éléments post-traumatiques à traiter.
Le jour du confinement, j’ai trouvé dans les affaires de mon mari 6 recharges de THC. Je ne savais pas ce que c’était et il m’avait promis de ne pas ramener de drogue à la maison. Tout a explosé. Il me quitte tous les matins mais il reste là. Je ne connais pas son niveau d’addiction mais ma tolérance est nulle car je ne supporte pas de voir quelqu’un s’envoyer en l’air à n’importe quelle heure de la journée. Que faire ? La situation est intenable…
Apparemment votre mari est dépendant et, comme tout dépendant, son angoisse majeure est le manque, d’où ces stocks que vous avez découvert alors qu’il vous avait promis de ne pas le faire. Par rapport à sa dépendance, il y a des moyens de l’aider quand il le souhaitera et sans doute à l’issue de la crise (parce qu’actuellement les services d’aide, les CSAPA, sont peu disponibles et pris par d’autres situations). Par ailleurs, ce que l’on sait c’est que plus on invective un addict à cause de ses comportements, plus on le stresse et donc, sans le faire exprès, plus on le pousse à consommer. Donc peut-être serait-il temps d’avoir avec lui une conversation plus calme et d’envisager une thérapie familiale et sinon, bien sûr, ne continuez pas à souffrir et si c’est impossible réfléchissez à une séparation…
Sur la question de la sexualité, comment reconnaître ce qui relève de l’addiction durant cette période un peu spéciale ? Plus particulièrement, ce qui est lié à la sexualité « virtuelle » (pornographie ou autre), que je suis plus tenté de consommer en ce moment de confinement, sans partenaire sexuelle confinée avec moi ? Comment différencier ce qui relève simplement du manque sexuel « normal » ou plus de la logique de l’addiction dans ces conditions ?
La source de l’addiction est dans des comportements de plaisir (nourriture, boisson, sexe, drogues…) Habituellement, on arrive à gérer ces satisfactions sans en devenir l’esclave. On doit commencer à se surveiller quand le temps consacré au détriment d’autres activités utiles ou intéressantes devient excessif de son propre point de vue et que cela devient de plus en plus obsédant. Donc, clairement les circonstances actuelles sont des facteurs de risque qu’il convient de surveiller de près. Soyez vigilant !
Je ne sais pas si cela compte comme une addiction mais je suis atteinte de troubles alimentaires (donc d’une certaine façon j’ai une addiction à la nourriture j’imagine.) Pour ce confinement je suis chez mon petit ami avec qui je ne vis pas habituellement. Surprise/joie ? : mes troubles alimentaires ont cessé ou presque. Je pense que c’est le fait de vivre constamment avec quelqu’un et de ne pas pouvoir être seule pour me « livrer » à mes troublés alimentaires (vous voyez quoi). Pour le moment pas de craquage et d’engloutissement de nourriture. Je m’inquiète néanmoins pour la fin/la suite : est-ce que je ne risque pas de retomber encore plus drastiquement dans mon « addiction » ? Vais-je prendre beaucoup de poids malgré une petite activité physique et risquer de tomber de l’autre coté, dans l’anorexie pendant un temps ? Dois-je en parler à mon conjoint qui n’a (presque) aucune idée de ce sujet ?…
Certains troubles alimentaires comme la boulimie compulsive ont en effet une dimension addictive, ce que confirme d’ailleurs le fait que votre relation avec votre ami vous en a “guérie”. La qualité d’un lien est en effet un bon remède au stress, aux doutes quant à soi, et donc apaise le besoin de compenser par des aliments (ou des drogues). Hélas le confinement devrait être assez long pour vous permettre d’avoir un “sevrage” robuste et réduire d’autant les risques de rechute à l’issue. Faites effectivement de l’activité physique et vous pourrez en parler à votre ami mais sans dramatiser et pour valoriser ce qu’il vous apporte. Meilleurs vœux pour la suite !
Le chocolat est addictif (plutôt stimulant) mais modérément addictif chez la plupart des gens… Si vous perdez le contrôle et que le nombre de plaques augmente, interrogez-vous sur d’éventuelles vulnérabilités personnelles qui seraient à explorer et à apaiser.
L’intoxication (alcool, drogues) mais aussi le sevrage peuvent être générateurs de violence, c’est pourquoi nous essayons d’éviter les ruptures brutales d’approvisionnement et essayons d’accompagner les personnes concernées.